dimanche 8 mars 2015

Expo : Manuel Durán, la mélancolie heureuse

Quand on regarde la définition de la mélancolie dans un dictionnaire, on n'y trouve que des évocations au sentiment de tristesse. Pour Manuel Durán, peintre dont j'ai découvert le travail à la Galerie de l'Europe, c'est pourtant un sentiment positif, qui lui permet de se saisir d'images a priori banales, pour les emmener dans une nouvelle dimension. 



J'étais venue aux tout derniers jours de son exposition début février, j'avais hésité puis m'étais décidée, tant les deux peintures sélectionnées pour le carton d'invitation étaient intrigantes. Je n'ai pas été déçue : j'y ai découvert des peintures poignantes aux couleurs fortes et profondes. J'ai eu en plus la chance d'y rencontrer l'artiste qui s'occupait lui-même de l'accueil des visiteurs. 



Manuel Durán est originaire du Mexique, il est arrivé à Paris il y a huit ans, bien qu'il ne s'identifie artistiquement ni à son pays d'origine ni à un courant particulier. "Quand on crée des images, quelles qu'elles soient, on adore observer avant tout". Ses personnages, souvent des femmes, sont le premier niveau de lecture. Puis il y ajoute des éléments de l'inconscient, qui semblent emmener le tableau vers une autre profondeur. Rien de calculé ou de volontaire, mais un effet qui cherche à réveiller quelque chose d'instinctif chez celui qui les regarde. "Une fois que je termine une toile, elle ne m'appartient plus".


Ses toiles semblent sorties d'un rêve : corps flottants, images de sportifs comme symbole du dépassement de soi, mots-magiques en espagnol ou en français. L'intensité de sa peinture est passée pour moi par les teintes. Il travaille à certains endroits par superpositions progressives de vert ou de bleu qui renforcent la densité des couleurs. 


J'ai mieux compris son style très libre et moderne et cette affinité sans fondement que j'ai ressentie, quand il m'a parlé de ses activités de street-art, plus particulièrement de tape-art. Avec les mêmes rubans adhésifs veloutés qui encadrent les bords de ses tableaux, il conçoit des formes ou habille un des ses personnages fétiches.


"J'essaie de me donner les moyens d'arriver à ce que je voudrais à Paris, c'est pour ça que je me suis décidé à m'installer quelques jours dans cette galerie. Je trouve le monde des artistes plus difficile ici qu'au Mexique. Il me semble qu'ils partagent moins entre eux, leurs contacts comme leur technique, comme s'il existait une sorte de concurrence." Voilà qui fait réfléchir, moi qui conçoit l'art comme un quasi-prétexte pour échanger et partager ses ressentis, et la solidarité comme le seul moyen de permettre à chacun d'en profiter comme il le souhaite... 




Belle surprise : entre deux visites, Manuel Durán produit et produit, une trentaine d'aquarelles posées sur son bureau en seulement quelques jours ! Là encore, d'abord l'aquarelle, puis une couche d'acrylique pour renforcer la couleur. Il me dit que son travail prolifique lui offre plus que nécessaire pour organiser des expositions. Je veux bien le croire quand on voit la variété de ses créations sur son site internet. Les peintures et interventions de rue y sont classées par ville, c'est dire l'importance de l'urbain dans son travail. 


Je regrette bien de ne pas avoir pu publier cet article au tout début de l'exposition, et contribuer à faire connaître une peinture très originale. Si la peinture "Saut", de deux mètres d'envergure, n'est pas vendue d'ici là, je garderai en mémoire cette immense toile, typiquement le genre d’œuvre que j'aimerais contempler tous les jours...



Site Internet : manuel-Durán.com